Un Livre Fabuleux qui permet assurement de mieux comprendre S.K a travers des entretiens, des interviews et des études de films... je vous le conseil fortement...
"Oeuvre d’un critique et historien de cinéma qui entretient depuis toujours un rapport passionné avec l’oeuvre du cinéaste, ce Kubrick était déjà devenu un classique depuis sa première édition, en 1980. Complété par des apports récents, il prend désormais sa forme définitive. Le livre – par bien des aspects une enquête sur la création – construit son motif par un faisceau d’approches multiples : biographie, entretiens et témoignages, réflexion critique nourrie qui défend l’objet aimé face aux reproches coutumiers. Ainsi la lenteur du travail de Kubrick, ce refus de laisser ses films s’éloigner de lui, en font-ils l’héritier d’un Léonard, ou d’un Dürer, chez lesquels existait la même quête de perfection.
L’iconographie, flamboyante, capte l’homme autant que l’oeuvre. Car Kubrick est là, avec nous. Physiquement, tout d’abord ; on le voit pensif, souvent souriant, l’oeil vague ou rivé à l’oeilleton, on sent le poids de sa présence, le travail du temps sur son visage. Il est là ensuite par sa parole si rarement dispensée aux journalistes et critiques, et les trois entretiens portant sur Orange mécanique, Barry Lyndon et Shining sont précieusement sertis au coeur du recueil. Kubrick répond aux questions posées avec minutie et méthode, exposant des aspects précis de son travail comme ses idées les plus chères sur la technique, la liberté regrettée des grands films muets, la recherche parfois stérile de l’originalité dans l’art moderne. Il émeut lorsqu’il s’écrie : « J’aimerais tant pouvoir regarder mon film pour la première fois », utopie suprême, bonheur inaccessible même au plus exigeant des artistes.
Beaucoup de ceux qui travaillèrent avec Kubrick ont ici voix au chapitre : des comédiens, des scénaristes, le producteur et vieil ami James B. Harris, Ken Adam, génial décorateur des James Bond, qui créa la salle du Pentagone pour Dr. Folamour, le chef-opérateur John Alcott qui restitue les complexes enjeux de la lumière dans Barry Lyndon et l’atmosphère des travellings à la Steadicam de Shining. Les faits sont précisés, voire rétablis. Beaucoup de prises, vraiment ? Oui, répond Alcott, mais jamais pour se « couvrir » : Kubrick sait exactement l’angle qu’il veut, et ne cherche qu’à obtenir le maximum des comédiens.
Ce sont justement ces comédiens (Malcom McDowell, Marisa Berenson, Jack Nicholson) qui offrent, parmi les témoignages recueillis à date récente, certains des récits les plus touchants, où l’on voit qu’une expérience avec Kubrick marque à jamais la mémoire d’un homme ou d’une femme de cinéma. Autre beau moment de mémoire, l’hommage final de Michel Ciment clôt le voyage, devenu pélerinage, par un texte personnel et tendre où Kubrick apparaît tel qu’en lui-même – pointilleux et visionnaire, pris dans la fièvre d’une perpétuelle recherche, prodigieusement indépendant, surtout dans l’accomplissement d’une tâche qui est le rêve de tout cinéphile : « réaliser ce qu’il n’avait pas encore vu sur un écran »." Jacqueline Nacache
