Les 36 situations dramatiques de base
Publié : 13 mars 2007, 23:42
Tout ce que je mets sur le site sont des infos glanées à droite et à gauche lors de conférences, cours ou recherches sur Internet. Je ne me souviens généralement pas qui en est l'auteur. Désolé pour eux...
Pour tous ceux, nombreux apparemment, qui cherchent une base solide pour commencer un travail d'écriture...
Les 36 situations dramatiques de base :
1. Sauver (Andromède / Robin des bois ou Armaggedon)
2. Implorer (Les Euménides / Jeanne d’Arc / Le Choix de Sophie)
3. Venger un crime (La Tempête / Le Comte de Monte-Cristo / Scream 2)
4. Venger un proche (Electre / Hamlet / La mariée était en noir)
5. Etre traqué (Luis Pérez de Galice / Le Fugitif)
6. Détruire (Richard II / César Birotteau / Les Diaboliques / Le Pont de la rivière Kwaï / La Cérémonie)
7. Posséder (Les Convives / Faust / Nosferatu)
8. Se révolter (Antigone / Cinna / Jeanne d’Arc / Brubaker)
9. Etre audacieux (Henri V / Parsifal / La vie est belle)
10. Ravir ou kidnapper (Europe / Le Jeu de Marion et de Robin / M le maudit)
11. Résoudre une énigme (Œdipe / Le Scarabée d’or / Maigret / Miss Marple)
12. Obtenir ou conquérir (Ulysse / La Tentation de Saint-Antoine / Les Liaisons dangereuses / Frankenstein / La Vie rêvée des anges)
13. Haïr (Les Frères ennemis / Violette Nozière)
14. Rivaliser (Pelléas et Mélisande / Ben Hur / Duellistes)
15. L’adultère meurtrier (Clitemnestre / Hamlet / Thérèse Raquin / Le facteur sonne toujours deux fois)
16. La folie (Les Thraces / Hamlet / Hedda Gabler / Jack l’éventreur / Family Life / Une femme sous influence)
17. L’imprudence fatale (Orphée / Hercule Poireau / Columbo)
18. L’inceste (Œdipe / Les Revenants / Le Souffle au cœur)
19. Tuer un des siens inconnu (Œdipe / La Légende de Saint-Julien l’hospitalier / Black Out)
20. Se sacrifier à l’idéal (Iphigénie / L’Œuvre / Louise Michel)
21. Tout sacrifier à la passion (Phèdre / Jocelyn / La Faute de l’abbé Mouret / Liaison fatale / Titanic)
22. Se sacrifier aux proches (Eugénie Grandet / Les Grandes Espérances / Les Sœurs Brontë)
23. Devoir sacrifier les siens (Les Danaïdes / Torquemada / Le Choix de Sophie)
24. Rivaliser à armes inégales (Attila / David et Goliath / Le Prince travesti / Trop belle pour toi)
25. Tromper ou adultère (Pot-bouille / Mme Bovary / Mélo)
26. Crimes d’amour (Penthésilée / Elvira Madigan / L’Empire des sens)
27. Apprendre le déshonneur d’un être aimé (Les affaires sont les affaires / La Dame aux camélias / Music Box)
28. Les amours empêchées (Roméo et Juliette / Titanic)
29. Aimer l’ennemi (Penthésilée / Le Coup de grâce)
30. L’ambition (Jules César / Macbeth / Les Illusions perdues / Bel ami / Harcèlement)
31. Lutter contre Dieu (Les Bacchantes / Athalie / Aguirre ou la colère de Dieu / Mission / Sous le soleil de Satan)
32. La jalousie erronée (Othello / Beaucoup de bruit pour rien / L’Enfer)
33. L’erreur judiciaire (Les Palamèdes / Je veux vivre / Le Pull-Over rouge)
34. Les remords (Thérèse Raquin / Crime et Châtiment / Sur les quais / La Dernière Marche)
35. Les retrouvailles (Œdipe / Les Enfants du capitaine Grant / Le Masque de fer)
36. Et, enfin, l’épreuve du deuil (Les Troyennes / Andromaque / L’Invité de l’hiver).
Les axes dramatiques : Gozzi, Schiller et Goethe savaient !
Rien de neuf sous le soleil de l’inspiration dramatique, C’est peut-être l’enseignement des 36 axes dramatiques répertoriés ici. Mais l’essentiel réside dans le traitement et les modes d’expression. 36 multiplié par la créativité de chaque auteur, cela donne l’infini.
Un buffet de gare sinistre, quelques habitués du café crème, des bruits de trains qui entrent en gare dans des crissements d’essieux... Soudain, quelqu’un derrière le comptoir appuie sur une télécommande, le son de la télévision, qui crachotait ses “Feux de l’amour” de l’après-midi, monte d’un coup et nous entendons, comme dans des haut-parleurs, un homme dire à une femme : « Non ma chérie, ton problème, c’est de vouloir à tout prix t’émanciper ! » Victoria ou Cynthia ou Gwendoline trouve pitoyable que cet homme, qu’elle aime malgré tout, puisse se servir ne suis pas soumise à la règle sociale, ni à ta vision du monde, ni à ton désir, ni à ta loi ». Et pour être capable de cela, il faut porter en soi, même sous une choucroute blonde décolorée, le spectre d’Antigone.
Donc, rien n’aurait changé depuis le théâtre grec ? Si la question méritait d’être posée, la réponse mérite largement d’être entendue : non, rien n’a changé depuis le théâtre grec, et rien de nouveau n’a été inventé dans le domaine des situations dramatiques. Et on a beau nous rebattre les oreilles de cet argument pour rompre avec elle. Elle s’obstine, reste sur ses positions et préfère la rupture au compromis.
S’émanciper, même dans un soap, c’est dire non, c’est dire « les Américains, comme les autres, ne font en réalité que reproduire des situations archétypales, qui se répètent à l’infini depuis la nuit des temps jusqu’aux téléfilms, en passant par le cinéma hollywoodien.
Il ne reste plus qu’à s’interroger sur la question inquiétante de la répétition et l’on finit par arriver à une conclusion encore plus tragique quand on découvre que ces situations dramatiques ne sont pas si nombreuses que cela, bien moins que les étoiles et un peu plus que les notes de musiques. On a du mal à le croire, c’est comme un cauchemar... on cherche de l’aide dans les bibliothèques, auprès de quelque génie qui contredirait cette vérité, et l’on tombe sur deux livres, deux petits livres poussiéreux, qui ne font qu’enfoncer le clou encore davantage : les “Conversations de Goethe avec Eckermann” et “Les Trente-Six Situations dramatiques”, de Georges Polti, paru en I924.
Goethe, donc, soutenait qu’il n’y avait pas plus d’une trentaine de situations “tragiques”, et rappelait, dans un de ces entretiens, que Schiller, pour lequel il avait la plus grande admiration, s’était donné beaucoup de mal pour en trouver davantage. Il poussa même la confidence jusqu’à révéler que Schiller, le plus grand dramaturge allemand, n’en avait pas trouvé autant que cet obscur dramaturge italien, Gozzi, qui, le premier, en avait répertorié 36 ! Pas si obscur que ça ! Gozzi fut le créateur de “Turandot” et du “Roi cerf”, fondateur d’un système dramatique féroce et totalement libre, qui engendra des auteurs comme Hoffmann, Richter et Poe. En attendant, nous lui devons l’établissement de ces 36 situations dramatiques, pas une de plus, pas une de moins ! C’est à peine croyable ! Enfin, on croit avoir trouvé en Gérard de Nerval, le génie qui, d’un revers d’intelligence, va mettre du désordre dans un système apparemment si rigide. Il faut savoir que le poète a cherché à découvrir, au tout début de sa carrière littéraire, le nombre exact des actions possibles au théâtre. Il n’en trouva pas 36, mais 24 ! Et encore, dans sa classification, il avait comptabilisé tous les péchés capitaux, dont trois ne constituent pas des situations dramatiques mais des états : la gourmandise, la paresse et la luxure. Ça ne fait plus que 21 situations. C’est la peau de chagrin et, la mort dans l’âme, on retourne aux 36 savamment classifiées par Georges Polti au début du siècle.
Mais, la question de la répétition de ces inlassables et mêmes situations dramatiques pose celle des emprunts. Si l’on n’invente pas de nouvelles situations, on les reprend nécessairement, on les copie. Pourtant nombre d’auteurs se drapent dans leur dignité, convaincus qu’ils perdraient la paternité de l’œuvre originale s’ils avouaient un seul emprunt, à la différence des auteurs de la Nouvelle vague qui, plus malins, appelaient ces emprunts « des hommages, voire des références ». Il suffirait pourtant d’écouter Goethe s’expliquer sur la complexité des éléments qui constituent son “Faust” pour être rassuré sur ce point : « Je dois l’intrigue à Calderon, la vision à Marlowe, la scène du lit à Cymbeline, la chanson ou sérénade à Hamlet, le prologue au “Livre de Job”. On peut y ajouter : le premier prologue imité des Hindous, la visite de la guenon digne de Théocrite, de nombreux souvenirs picturaux (scène première issue de Rembrandt ; mimes de la Promenade, de la Taverne, du Puits, d’origine flamande), la fin est inspirée de Dante, etc. etc. etc. ». Bien sûr qu’un auteur n’invente rien, il réinvente tout, mais à la lumière de ses propres expériences et de ses propres fantaisies (employé ici au sens freudien du terme).
Dès lors, nous pouvons, sans scrupule, répertorier à notre tour, et dans le plus grand désordre, ces 36 situations de base en alimentant cette classification d’exemples classiques et contemporains. Mais attention ! Il ne faut pas confondre ces 36 situations dramatiques avec des thèmes ou pire, des sujets. Plusieurs de ces situations peuvent se retrouver à l’intérieur d’une même histoire. Ce sont d’ailleurs ces innombrables compositions entre les différentes situations qui constituent le tissu dramaturgique. Cet art de la composition, ajouté à celui du dialogue, sont donc les deux seuls véritables éléments à travers lesquels peuvent se révéler le talent ou l’absence de talent d’un auteur.
Etrange liste dont il est impossible de se satisfaire en l’état. Chacune de ses situations comporte bien évidemment des subdivisions qui élargissent et nuancent le propos de base. C’est pourquoi “Synopsis”, dans chacun des numéros suivants, étudiera d’un point de vue dramaturgique, une de ces 36 situations à travers l’histoire littéraire, cinématographique et télévisuelle. Ce qui nous permettra sûrement de faire quelques découvertes passionnantes, comme, par exemple, à quel point “l’ambition” a donné un nombre de pièces et de romans incroyables au XIXe siècle, et de films au XXe, alors que cette situation n’existe pour ainsi dire pas dans le théâtre grec. Et comme il n’y a pas de hasard (du moins du point de vue du sens) dans l’écriture, il sera intéressant de savoir quelles situations on n’utilise pas ou peu aujourd’hui et, à l’inverse, celles que l’on utilise le plus afin de faire une lecture sociologique des raisons qui poussent les auteurs à traiter telle situation plutôt que telle autre.
Pour tous ceux, nombreux apparemment, qui cherchent une base solide pour commencer un travail d'écriture...
Les 36 situations dramatiques de base :
1. Sauver (Andromède / Robin des bois ou Armaggedon)
2. Implorer (Les Euménides / Jeanne d’Arc / Le Choix de Sophie)
3. Venger un crime (La Tempête / Le Comte de Monte-Cristo / Scream 2)
4. Venger un proche (Electre / Hamlet / La mariée était en noir)
5. Etre traqué (Luis Pérez de Galice / Le Fugitif)
6. Détruire (Richard II / César Birotteau / Les Diaboliques / Le Pont de la rivière Kwaï / La Cérémonie)
7. Posséder (Les Convives / Faust / Nosferatu)
8. Se révolter (Antigone / Cinna / Jeanne d’Arc / Brubaker)
9. Etre audacieux (Henri V / Parsifal / La vie est belle)
10. Ravir ou kidnapper (Europe / Le Jeu de Marion et de Robin / M le maudit)
11. Résoudre une énigme (Œdipe / Le Scarabée d’or / Maigret / Miss Marple)
12. Obtenir ou conquérir (Ulysse / La Tentation de Saint-Antoine / Les Liaisons dangereuses / Frankenstein / La Vie rêvée des anges)
13. Haïr (Les Frères ennemis / Violette Nozière)
14. Rivaliser (Pelléas et Mélisande / Ben Hur / Duellistes)
15. L’adultère meurtrier (Clitemnestre / Hamlet / Thérèse Raquin / Le facteur sonne toujours deux fois)
16. La folie (Les Thraces / Hamlet / Hedda Gabler / Jack l’éventreur / Family Life / Une femme sous influence)
17. L’imprudence fatale (Orphée / Hercule Poireau / Columbo)
18. L’inceste (Œdipe / Les Revenants / Le Souffle au cœur)
19. Tuer un des siens inconnu (Œdipe / La Légende de Saint-Julien l’hospitalier / Black Out)
20. Se sacrifier à l’idéal (Iphigénie / L’Œuvre / Louise Michel)
21. Tout sacrifier à la passion (Phèdre / Jocelyn / La Faute de l’abbé Mouret / Liaison fatale / Titanic)
22. Se sacrifier aux proches (Eugénie Grandet / Les Grandes Espérances / Les Sœurs Brontë)
23. Devoir sacrifier les siens (Les Danaïdes / Torquemada / Le Choix de Sophie)
24. Rivaliser à armes inégales (Attila / David et Goliath / Le Prince travesti / Trop belle pour toi)
25. Tromper ou adultère (Pot-bouille / Mme Bovary / Mélo)
26. Crimes d’amour (Penthésilée / Elvira Madigan / L’Empire des sens)
27. Apprendre le déshonneur d’un être aimé (Les affaires sont les affaires / La Dame aux camélias / Music Box)
28. Les amours empêchées (Roméo et Juliette / Titanic)
29. Aimer l’ennemi (Penthésilée / Le Coup de grâce)
30. L’ambition (Jules César / Macbeth / Les Illusions perdues / Bel ami / Harcèlement)
31. Lutter contre Dieu (Les Bacchantes / Athalie / Aguirre ou la colère de Dieu / Mission / Sous le soleil de Satan)
32. La jalousie erronée (Othello / Beaucoup de bruit pour rien / L’Enfer)
33. L’erreur judiciaire (Les Palamèdes / Je veux vivre / Le Pull-Over rouge)
34. Les remords (Thérèse Raquin / Crime et Châtiment / Sur les quais / La Dernière Marche)
35. Les retrouvailles (Œdipe / Les Enfants du capitaine Grant / Le Masque de fer)
36. Et, enfin, l’épreuve du deuil (Les Troyennes / Andromaque / L’Invité de l’hiver).
Les axes dramatiques : Gozzi, Schiller et Goethe savaient !
Rien de neuf sous le soleil de l’inspiration dramatique, C’est peut-être l’enseignement des 36 axes dramatiques répertoriés ici. Mais l’essentiel réside dans le traitement et les modes d’expression. 36 multiplié par la créativité de chaque auteur, cela donne l’infini.
Un buffet de gare sinistre, quelques habitués du café crème, des bruits de trains qui entrent en gare dans des crissements d’essieux... Soudain, quelqu’un derrière le comptoir appuie sur une télécommande, le son de la télévision, qui crachotait ses “Feux de l’amour” de l’après-midi, monte d’un coup et nous entendons, comme dans des haut-parleurs, un homme dire à une femme : « Non ma chérie, ton problème, c’est de vouloir à tout prix t’émanciper ! » Victoria ou Cynthia ou Gwendoline trouve pitoyable que cet homme, qu’elle aime malgré tout, puisse se servir ne suis pas soumise à la règle sociale, ni à ta vision du monde, ni à ton désir, ni à ta loi ». Et pour être capable de cela, il faut porter en soi, même sous une choucroute blonde décolorée, le spectre d’Antigone.
Donc, rien n’aurait changé depuis le théâtre grec ? Si la question méritait d’être posée, la réponse mérite largement d’être entendue : non, rien n’a changé depuis le théâtre grec, et rien de nouveau n’a été inventé dans le domaine des situations dramatiques. Et on a beau nous rebattre les oreilles de cet argument pour rompre avec elle. Elle s’obstine, reste sur ses positions et préfère la rupture au compromis.
S’émanciper, même dans un soap, c’est dire non, c’est dire « les Américains, comme les autres, ne font en réalité que reproduire des situations archétypales, qui se répètent à l’infini depuis la nuit des temps jusqu’aux téléfilms, en passant par le cinéma hollywoodien.
Il ne reste plus qu’à s’interroger sur la question inquiétante de la répétition et l’on finit par arriver à une conclusion encore plus tragique quand on découvre que ces situations dramatiques ne sont pas si nombreuses que cela, bien moins que les étoiles et un peu plus que les notes de musiques. On a du mal à le croire, c’est comme un cauchemar... on cherche de l’aide dans les bibliothèques, auprès de quelque génie qui contredirait cette vérité, et l’on tombe sur deux livres, deux petits livres poussiéreux, qui ne font qu’enfoncer le clou encore davantage : les “Conversations de Goethe avec Eckermann” et “Les Trente-Six Situations dramatiques”, de Georges Polti, paru en I924.
Goethe, donc, soutenait qu’il n’y avait pas plus d’une trentaine de situations “tragiques”, et rappelait, dans un de ces entretiens, que Schiller, pour lequel il avait la plus grande admiration, s’était donné beaucoup de mal pour en trouver davantage. Il poussa même la confidence jusqu’à révéler que Schiller, le plus grand dramaturge allemand, n’en avait pas trouvé autant que cet obscur dramaturge italien, Gozzi, qui, le premier, en avait répertorié 36 ! Pas si obscur que ça ! Gozzi fut le créateur de “Turandot” et du “Roi cerf”, fondateur d’un système dramatique féroce et totalement libre, qui engendra des auteurs comme Hoffmann, Richter et Poe. En attendant, nous lui devons l’établissement de ces 36 situations dramatiques, pas une de plus, pas une de moins ! C’est à peine croyable ! Enfin, on croit avoir trouvé en Gérard de Nerval, le génie qui, d’un revers d’intelligence, va mettre du désordre dans un système apparemment si rigide. Il faut savoir que le poète a cherché à découvrir, au tout début de sa carrière littéraire, le nombre exact des actions possibles au théâtre. Il n’en trouva pas 36, mais 24 ! Et encore, dans sa classification, il avait comptabilisé tous les péchés capitaux, dont trois ne constituent pas des situations dramatiques mais des états : la gourmandise, la paresse et la luxure. Ça ne fait plus que 21 situations. C’est la peau de chagrin et, la mort dans l’âme, on retourne aux 36 savamment classifiées par Georges Polti au début du siècle.
Mais, la question de la répétition de ces inlassables et mêmes situations dramatiques pose celle des emprunts. Si l’on n’invente pas de nouvelles situations, on les reprend nécessairement, on les copie. Pourtant nombre d’auteurs se drapent dans leur dignité, convaincus qu’ils perdraient la paternité de l’œuvre originale s’ils avouaient un seul emprunt, à la différence des auteurs de la Nouvelle vague qui, plus malins, appelaient ces emprunts « des hommages, voire des références ». Il suffirait pourtant d’écouter Goethe s’expliquer sur la complexité des éléments qui constituent son “Faust” pour être rassuré sur ce point : « Je dois l’intrigue à Calderon, la vision à Marlowe, la scène du lit à Cymbeline, la chanson ou sérénade à Hamlet, le prologue au “Livre de Job”. On peut y ajouter : le premier prologue imité des Hindous, la visite de la guenon digne de Théocrite, de nombreux souvenirs picturaux (scène première issue de Rembrandt ; mimes de la Promenade, de la Taverne, du Puits, d’origine flamande), la fin est inspirée de Dante, etc. etc. etc. ». Bien sûr qu’un auteur n’invente rien, il réinvente tout, mais à la lumière de ses propres expériences et de ses propres fantaisies (employé ici au sens freudien du terme).
Dès lors, nous pouvons, sans scrupule, répertorier à notre tour, et dans le plus grand désordre, ces 36 situations de base en alimentant cette classification d’exemples classiques et contemporains. Mais attention ! Il ne faut pas confondre ces 36 situations dramatiques avec des thèmes ou pire, des sujets. Plusieurs de ces situations peuvent se retrouver à l’intérieur d’une même histoire. Ce sont d’ailleurs ces innombrables compositions entre les différentes situations qui constituent le tissu dramaturgique. Cet art de la composition, ajouté à celui du dialogue, sont donc les deux seuls véritables éléments à travers lesquels peuvent se révéler le talent ou l’absence de talent d’un auteur.
Etrange liste dont il est impossible de se satisfaire en l’état. Chacune de ses situations comporte bien évidemment des subdivisions qui élargissent et nuancent le propos de base. C’est pourquoi “Synopsis”, dans chacun des numéros suivants, étudiera d’un point de vue dramaturgique, une de ces 36 situations à travers l’histoire littéraire, cinématographique et télévisuelle. Ce qui nous permettra sûrement de faire quelques découvertes passionnantes, comme, par exemple, à quel point “l’ambition” a donné un nombre de pièces et de romans incroyables au XIXe siècle, et de films au XXe, alors que cette situation n’existe pour ainsi dire pas dans le théâtre grec. Et comme il n’y a pas de hasard (du moins du point de vue du sens) dans l’écriture, il sera intéressant de savoir quelles situations on n’utilise pas ou peu aujourd’hui et, à l’inverse, celles que l’on utilise le plus afin de faire une lecture sociologique des raisons qui poussent les auteurs à traiter telle situation plutôt que telle autre.