Droit à l'image des acteurs

Vos questions concernant le droit et l'audiovisuel, les cessions de droits, les options, les contrats...
YuHirà
Ma 6-T va crack-er
Ma 6-T va crack-er
Messages : 618
Inscription : 27 juin 2007, 14:57
18
Pays : France
Localisation : PARIS
Contact :

Re: Droit à l'image des acteurs

Message par YuHirà »

En fait, aucune disposition législative n'impose un formalisme pour le droit à l'image. Tout simplement parce que ce droit n'est même pas prévu par la loi! La pratique de la cession du droit à l'image résulte de l'article 9 du Code Civil relatif au respect de la vie privée, ainsi que des quelques dispositions de la loi de 1881 et du Code pénal. C'est un droit sui generis que la jurisprudence a fini par consacrer. Par conséquent, ne pas mentionner de durée n'entraîne pas nécessairement l'invalidité du contrat. D'autant que les tribunaux ne retiennent le droit à l'image que parce qu'il existe un vrai préjudice (application de la responsabilité délictuelle de l'article 1382 du Code Civil). Ce qui veut dire aussi, puisque ce droit sui generis s'appuie sur une interprétation de l'article 9 sur la vie privée, que le droit à l'image ne s'applique pas aux personnalités publiques lors de leurs activités publiques (lorsque le président fait un discours, pas de droit à l'image. Lorsqu'on le surprend à faire des infidélités à Valérie avec Julie, le droit à l'image s'applique :eheh: ).

En revanche, en droit d'auteur (et non pas en droit voisin), la validité d'une cession d'une oeuvre de l'esprit est expressément conditionnée à la mention d'une durée (entre autres). L'exigence est stricte et suffit à annuler le contrat: l'auteur est alors présumé ne pas avoir cédé ses droits. Aucune exigence de ce genre pour le droit à l'image.

Je me permet d'insister car il faut bien voir que la prévision d'une durée d'autorisation dans le cadre du droit à l'image peut avoir une implication sur l'exploitation du film. Si le contrat est bien précis sur l'usage qui est fait de l'image de la personne, qu'il n'y aucun préjudice possible (ce qui entraînerait l'application de l'art. 1382) et que prévoir une durée pose problème pour cette exploitation, on peut donc s'en affranchir. En revanche, si le fait de prévoir cette durée ne poise pas de problème pour l'exploitation, il est effectivement recommandé d'en prévoir une par sécurité.

NB; lorsqu'il y a contrat de travail entre un producteur et un artiste interprète, il y a présomption de cession de droit sur la prestation d'artiste interprète. Or on ne peut légitimement concevoir une cession de droit sur la prestation d'un comédien de cinéma sans cession du droit à l'image: on pourrait donc considérer que c'est implicite. Mais malgré cela, comme la responsabilité est délictuelle, il me semble préférable de signer la cession de droit d'artiste interprète et l'autorisation après tournage sur la base d'un film fini, ce qui permet d'éviter une situation où le comédien considérerait que le montage ou les images prises lors du tournage donnent de lui une image dégradante (scènes de nu par exemple).

Bref, le droit à l'image, ce n'est pas simple :-)
Compositeur
ludovicmartinpicard
Quatre étoiles
Quatre étoiles
Messages : 208
Inscription : 30 nov. 2014, 09:39
10

Re: Droit à l'image des acteurs

Message par ludovicmartinpicard »

Oui je savais tout ça YuHirà :) mais c'est toujours bon de le préciser.
D'ailleurs pour les infidélités ça passe aussi par le droit au respect de la vie privée (qui effectivement comprends le droit à l'image, avec l'article 9 du code civil effectivement).

Donc pourquoi on m'aurait parlé de durée ? Et qu'il y en a partout ?

Pour la durée oui, comme tu l'as stipulé ça peut restreindre, cependant la phrase que j'ai indiqué dans mon précédent post passe très bien.

Sans oublier que normalement un contrat (une cession) est effectuée avec un contrat de travail est doit être payé pour un interprète, une simple autorisation (et non cession) de droit à l'image à titre gracieuse est normalement juste pour des passants, par exemple...

Donc je pense quand même, que vaut mieux mettre une durée, surtout quand notre contrat n'est pas forcément valable en tant que contrat...
Dernière modification par ludovicmartinpicard le 01 déc. 2014, 09:32, modifié 3 fois.
YuHirà
Ma 6-T va crack-er
Ma 6-T va crack-er
Messages : 618
Inscription : 27 juin 2007, 14:57
18
Pays : France
Localisation : PARIS
Contact :

Re: Droit à l'image des acteurs

Message par YuHirà »

Oui je savais tout ça YuHirà :) mais c'est toujours bon de le préciser.
Tu admettras donc qu'on ne peut pas en conclure que, je cite, "la durée des droits sans ça, ce n'est juridiquement (normalement) pas valable" ;)

Pour un contrat portant sur le "droit à l'image", le droit commun des contrats s'applique: l'objet du contrat doit être déterminé (art. 1108 Code Civil). Cela s'arrête là :-)

Donc je pense quand même, que vaut mieux mettre une durée, surtout quand notre contrat n'est pas forcément valable en tant que contrat...
Si le contrat n'est pas "forcément valable en tant que contrat", mettre une durée en plus ou pas ne va absolument rien changer quant à la fragilité de ce dernier si ce n'est pas une condition de validité essentielle ;)
Compositeur
ludovicmartinpicard
Quatre étoiles
Quatre étoiles
Messages : 208
Inscription : 30 nov. 2014, 09:39
10

Re: Droit à l'image des acteurs

Message par ludovicmartinpicard »

Effectivement, et voilà pourquoi on m'a donné la durée :


Voir l'arrêt de la Cour de cassation, Chambre civile 1 du 11 décembre 2008

Egalement, il est interdit du coup de définir une durée illimitée (sauf si nombre de copies déterminées).
(Voir l'arrêt 91 du 28 janvier 2010 de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation)


Cela me suffit à appliquer ça à mes contrats en production :)


Désolé, mais vaut mieux être paré complétement :clindoeil:

Tu as très bien compris ce que j'ai dit pour la dernière phrase (je parlais de la contrepartie financière), et je suis désolé, mais un écrit ou non qui peut paraitre "non valable" a quand même été signé par une personne, elle a donc plus ou moins donné son accord, tu le concevras ce qui jouera quand même pas mal lors d'un éventuel litige, d'où la nécessité, fragile ou non, de se parer à toute éventualité ;)

Libre à chacun de faire ce qu'il veut maintenant :p
Dernière modification par ludovicmartinpicard le 30 nov. 2014, 23:13, modifié 2 fois.
YuHirà
Ma 6-T va crack-er
Ma 6-T va crack-er
Messages : 618
Inscription : 27 juin 2007, 14:57
18
Pays : France
Localisation : PARIS
Contact :

Re: Droit à l'image des acteurs

Message par YuHirà »

Tu as très bien compris ce que j'ai dit pour la dernière phrase, et je suis désolé, mais un écrit ou non qui peut paraitre "non valable" a quand même été signé par une personne, elle a donc plus ou moins donné son accord, tu le concevras ce qui jouera quand même pas mal lors d'un éventuel litige, d'où la nécessité, fragile ou non, de se parer à toute éventualité
Bah non justement!

- Si un contrat est soumis à une exigence formelle exigée par la loi (contrat d'auteur par exemple), la signature ne changera rien: le contrat ne sera pas reconnu comme valable.
- Si un contrat viole une règle d'ordre public, le juge invalidera le contrat, ou du moins une partie. Par exemple, une clause de renonciation du droit moral signée par un auteur est d'office invalide, même si elle a été consentie par l'auteur!
- La signature n'empêche pas un vice de consentement.

Et puis le "droit à l'image" est sanctionné par la responsabilité délictuelle, et non pas la responsabilité contractuelle.
(Voir l'arrêt de la Cour de cassation, Chambre civile 1 du 11 décembre 2008)
Cet arrêt porte sur l'image d'un mannequin. C'est une particularité en soi car l'image correspond exactement à LA prestation. Chez un comédien, ce n'est qu'une partie de celle-ci. Quand au simple passant, son image ne constitue pas un droit patrimonial en l'occurence mais constitue seulement une composante de sa vie privée. On ne peut donc pas en conclure quelque chose de définitif dans le cas qui nous préoccupe. C'est un très mauvais exemple en fait :-D
Egalement, il est interdit du coup de définir une durée illimitée (sauf si nombre de copies déterminées).
(Voir l'arrêt 91 du 28 janvier 2010 de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation)
En revanche, là, c'est vrai. La loi prohibe les contrats perpétuels. Donc on ne peut prévoir expressément une durée illimitée pour un contrat quel qu'il soit.

Mais en conclure qu'on doit forcément prévoir une durée est une mauvaise interprétation. Comme l'image d'une personne s'éteint avec son décès, ne pas préciser la durée revient à prévoir une durée égale à celle de la vie de celui qui cède son image. Le CDI repose sur la même logique.
Compositeur
ludovicmartinpicard
Quatre étoiles
Quatre étoiles
Messages : 208
Inscription : 30 nov. 2014, 09:39
10

Re: Droit à l'image des acteurs

Message par ludovicmartinpicard »

- J'ai jamais dit que le contrat allait être reconnu valide.
J'ai seulement dit que cela prouvait quelque chose, un accord.
Mais bien évidemment que ce que tu as dis est vrai pour l'ordre public et le vice.


- Ah oui, effectivement, j'avais pas vu cela comme ça, merci d'éclairer :)


- Ah bon ? j'ai cru que c'était flou justement tout ça...
Dans la pratique ça devrait être comme ça, mais il me semblait qu'il y avait quelques cas où des photos ou vidéos circulaient après le décès sans aucun droit à l'image, et les descendants devaient prouver un préjudice morale et personnel certain, pour justement se baser sur l'article 1382 du code civil, non ?
Dernière modification par ludovicmartinpicard le 30 nov. 2014, 23:39, modifié 2 fois.
YuHirà
Ma 6-T va crack-er
Ma 6-T va crack-er
Messages : 618
Inscription : 27 juin 2007, 14:57
18
Pays : France
Localisation : PARIS
Contact :

Re: Droit à l'image des acteurs

Message par YuHirà »

- J'ai jamais dit que le contrat allait être reconnu valide.
J'ai seulement dit que cela prouvait quelque chose, un accord.
En droit civil, si un contrat n'est pas valide, il ne peut plus rien prouver par définition, y compris le consentement initial! A moins qu'il ne le soit qu'en partie bien entendu (nullité partielle). En matière pénale, on pourrait l'envisager (un contrat portant sur une prestation sexuelle est invalide mais peut prouver l'infraction de proxénétisme), mais ce n'est pas le cas dans le sujet qui nous préoccupe.

D'ailleurs, c'est assez logique: si le contrat est reconnu invalide mais qu'on considère malgré tout qu'il y a eu accord, cela signifie donc a fortiori que le juge doit lui substituer un contrat valide sur la base de cet accord. Ce qui revient à violer un principe de base du droit des contrats: la liberté de contracter :-)
Dans la pratique ça devrait être comme ça, mais il me semblait qu'il y avait quelques cas où des photos ou vidéos circulaient après le décès sans aucun droit à l'image, et les descendants devaient prouver un préjudice morale et personnel certain, pour justement se baser sur l'article 1382 du code civil, non ?
C'est un peu compliqué à expliquer mais cela cela ne contredit pas le principe d'extinction du droit à l'image au décès de la personne. Si les descendants peuvent agir sur le fondement sur l'article 1382 du Code civil, c'est justement parce qu'ils prouvent un préjudice personnel, indépendant du préjudice que pourrait avoir éprouvé la personne décédée. Il faudra donc prouver ce préjudice personnel, et l'existence d'un lien de causalité avec la diffusion de l'image de la personne décédée. C'est assez subtil mais en fait, ce n'est pas à proprement parler une question de droit de l'image! L'article 1382 est un peu l'article fourre tout :-D
Compositeur
Répondre