Question de profondeur...

Lumière
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seventy
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Question de profondeur...

Message par seventy »

Je me permets d'ouvrir le sujet en donnant quelques pistes.

La profondeur de champs dépend de plusieurs facteurs :

-la distance caméra / sujet filmé
-la focale utilisée
-le diaphragme


Concrètement ça veut dire quoi ?

Avec le même diaphragme, à cadre égal, quelque soit la focale (courte, moyenne, longue), on obtient la même profondeur de champs...
Plus la caméra sera prêt du sujet, moins on aura de profondeur de champs... Et inversement.

Plus le diaphragme est fermé, plus la profondeur de champs augmente.

Avec une lumière contrasté, on aura un sentiment de plus grande netteté.

Maintenant une histoire de format : la profondeur de champs dépend aussi du format de prise de vue, plus le format sera grand, plus la zone de netteté devient délicate. Avec une caméra vidéo dont le capteur est de 1/3 de pouce, les focales vont être plus courte pour un même angle de champs couvert qu'avec un capteur 2/3 de pouce, donc plus le format est petit, plus on a de profondeur de champs.

C'est une des raisons qui donne cette impression de netteté un peu partout lorsqu'on tourne en vidéo.

En extérieur/jour, si l'on veut diminuer la profondeur, on peut utiliser des filtres gris neutre qui vont permettre de travailler avec un diaphragme plus petit.

Le fait d'utiliser un kit mini 35 devant un camescope permet de diminuer cette profondeur de champs car le camescope filme alors un verre dépoli d'une taille importante sur lequel se projette l'image aérienne d'un objectif (en générale film ou photo) fait pour un format plus grand (l'image 35 mm) avec moins de profondeur de champs. On retrouve alors avec le camescope les caractéristiques optiques d'une image film. Ce qui permet de ciseler beaucoup plus précisément l'espace en faisant varier la zone de netteté.

Pour ceux qui veulent plus de renseignements sur un kit mini 35, c'est
ici : http://forum.cineastes.com/optique-2000-vt1023.html
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Message par Baptiste »

Alors je pose la question à notre maitre lumière Seventy:

Comment diable ce cher Orson est-il arrivé à ça (*):

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(* rappellons pour nos amis qu'à l'âge de 25 ans un certain Orson Welles réalisait son premier film, cela s'appelait Citizen Kane et s'illustrait notamment par une photo magnifique avec de belles profondeurs de champs...)

Baptiste
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Message par seventy »

Bonne question Baptiste San !

J'ai une réponse, c'est grâce à son génie et à sa rencontre avec un jeune opérateur nommé Gregg Toland !!!

De mémoire, le film a été tourné en grande partie avec des courtes focales (genre 18 mm), ce qui déjà, explique en grande partie les compositions que tu nous présentes avec un premier plan et une mise en scène qui joue sur l'arrière plan et les lignes de fuites.

La courte focale a tendance à creuser l'espace au centre et à accentuer la taille des objets au premier plan.
C'est ce qu'on constate en regardant ces images, notamment la première où l'amorce du personnage droite cadre est particulièrement proéminente.

C'était une révolution à l'époque que d'employer cette focale aussi intensément (avec l'utilisation de plongées et contre-plongées) et en alternant plans séquences et plans courts.

Gregg Tolland du avec Orson Welles trouvé des solutions technique pour obtenir en plus suffisamment de profondeur de champs.

Je pense que le diaphragme était très fermé, donc beaucoup de lumière, ensuite ils ont éclairer en tenant compte des décors, en laissant des zones d'ombres (ce qui était nouveau dans un film hollywoodien).

A cause des contre-plongées on découvre souvent les plafonds, Gregg Tolland a du inventer des plafonds lumineux sans qu'on voit les sources, ensuite c'est un film où l'on voit des sources "in" ce qui était aussi novateurs... C'est bon à savoir, avec des focales courtes, on risque de voire les plafonds très facilement et une bonne partie de l'espace, donc conséquence sur le plan d'éclairage...

Il y a aussi de nombreux truquages qui permettent d'obtenir des plans nettes qui dépassent les possibilités d'un objectif aussi court soit-il.
Un plan dans le film (à vous de trouver !) a été impréssionné en plusieurs fois pour permettre d'avoir une profondeur de champs impossible sans cela.

Ils ont joué aussi sur la taille des objets trichées au premier plan pour permettre d'accentuer encore la profondeur, il me semble qu'il y a aussi des effets de transparence (image 4), des toiles peintes. tout l'art de la supercherie du cinéma au service d'un grand "manipulateur" !

Ensuite il y toujours une relation entre l'avant plan et l'arrière plan, que ce soit par l'utilisation de décor qui renforce la perspective, l'emphase de l'espace (image 2), ou accentue les différences de taille (image 1), par la lumière (image 2) ou par le jeux des comédiens (image 3).
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Message par Baptiste »

Il y a aussi de nombreux truquages qui permettent d'obtenir des plans nettes qui dépassent les possibilités d'un objectif aussi court soit-il.
Un plan dans le film (à vous de trouver !) a été impréssionné en plusieurs fois pour permettre d'avoir une profondeur de champs impossible sans cela.
Merci pour cette longue réponse Seventy. Pour ce qui est de la double impression, j'imagine qu'aujourd'hui avec le trucage numérique cela facilite ce genre d'effets (j'ai déjà réussi à le faire sous Photoshop en photo numérique donc cela doit se faire en vidéo également).
Cela pose aussi la question de "que dit la profondeur de champ au niveau du sens ?" car parfois l'arrière plan flou est aussi important, vous savez ces fameux plans entre deux personnages qui passent de l'un flou à l'autre en focus.

Tiens ça me rappelle notre fameux Robin Williams qui était "out of focus", l'idée de génie de Woody Allen, mais là je pars sur du hors sujet...
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Message par seventy »

Pour te répondre, la multiple impression en vidéo revient à faire de l'incrustation. Pour la péllicule on peut aussi faire de l'incrusation où sinon travaillé en directe, en éclairant chaque zone séparément, en déplaçant le plan de netteté et en rembobinant à chaque fois, c'est de la gymnastique assez précise mais ça marche et et ça donne un résultat que je trouve parfois très poétique car imparfait !

La gestion de la profondeur de champs est vraiment une histoire de mise en scène en effet, certain réalisateurs adorent qu'on sente le flou, d'autres c'est l'inverse, il faut juste que le sujet s'y prête. Le passage d'un comédien à l'autre par le changement de point est, à mon avis, à utiliser avec légèreté...

Bien souvent on a pas trop le choix pour des impératifs budgétaire et technique. Tu remarqueras que souvent les films fauchés ont moins de profondeur de champs que les budgets confortables, les scènes de nuit particulièrement ! Cela peut donner un certain style malgré tout...
L'idéale est de travailler toujours au même diaphragme pour conserver un raccord de profondeur (qu'on ne sent pas directement mais qui aide) et de le changer sciemment pour créer une différence au bon moment...

Il existe des optiques particulières appelées "shift and tilt" qui permettent de décaléer le plan de netteté de l'optique. Cela permet de créer un plan de netteté qui n'est pas perpendiculaire à l'axe optique comme lorsqu'on fait des photos à la chambre. Ainsi on peut avoir un premier plan nette et un arrière plan nette alors qu'entre les deux c'est flou ! Cest un peu long à mettre en place et ça coûte très cher à la location, mais c'est toujours bon à savoir, c'est utilisé surtout en publicité.
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Re: Question de profondeur...

Message par chrispopof »

Pour rebondir sur le sujet (qui date, il est vrai), j'ai envie de pousser un petit coup de gueule... Sous réserve d'explosion du numérique (ou de la 3D chez les gros) on a de plus en plus le droit à des films avec une profondeur de champs minuscule. Parfois, c'est utilisé à bon escient (je pense au film indé Martha Marcy may Marlene) mais la plupart du temps, c'est des questions de budget ou pire d'uniformisation, sans réelle réflexion sur l'intérêt pour le film....

Quand je pense que des cinéastes comme Orson Welles et autres grands se sont battus pour obtenir toujours plus de profondeur de champ, ça me fait mal au cœur...

Pour voir ce que ça peut notamment apporter à la narration, je vous invite à lire cet article :
http://devenir-realisateur.com/notions- ... au-cinema/

Êtes-vous plutôt d'accord avec moi ou pas ?
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Re: Question de profondeur...

Message par Spoka »

En voila une discussion qui m’intéresse !
Déterrer un sujet sur la profondeur de champ est presque en soit ironique, très utile et important.

1) "Un plan dans le film (à vous de trouver !) a été impréssionné en plusieurs fois pour permettre d'avoir une profondeur de champs impossible sans cela. " Seventy

Je ne sais pas si Seventy est toujours sur le forum, comme nous n'avons pas eu de réponse, mais je crois me souvenir d'un plan, dans ma petite mémoire très lointaine de Citizen Kane, ou l'on y voyait une table de chevet sur lequel sont posés des flacons dans le 1er plan, puis une femme dans un lit en second plan pour ensuite dans un 3eme plan y voir une porte fermé ou des hommes essaient de rentrer. Je me trompe peut être, mais la netteté sur les flacons (presque en amorce) est vraiment impressionnante au vue de la distance à parcourir pour rendre net la porte à plusieurs mètres plus loin. C'est une scène dont je parle assez souvent quand l'on parle de Profondeur de champ.

2) Bonjour Chrispopof, je vais pouvoir te rassurer, c'est une discussion que j'ai eu il y à peine deux jours, je me fais la même réflexion, une sorte de mode envers l'absence de profondeur de champ. Je me demande si ce n'est pas en lien avec les outils utilisés aujourd'hui, énormément d'APN type 5D et autres ont démocratisés le milieu, de plus en plus de jeune amateur s'équipe à faible cout avec ce type d'outil et comme tout le monde fait comme cela, chacun se copie.

Nous avons perdu, je pense, le sens de la profondeur de champ, le cinéma d'aujourd'hui n'est pas un bon élèves non plus. L'image avec peu de profondeur de champ rend stylisé à moindre cout de réflexion un plan, c'est une forme de simplicité qui s'applique de plus en plus.
La conception d'un plan dans son volume fait peur, voir ne donne plus de sens à pas mal de court métrage. J'ai remarqué qu'au delà un certain temps la profondeur de champ reviens, il est rare de trouvé un long métrage qui fonctionne quasiment uniquement avec peu de profondeur, alors que sur les courts, aujourd'hui une part importante l'utilise à outrance.

Je pense comme toi Chispopof, c'est une perte de sens, de réflexion, nous traitons de plus en plus d'informations, nos jeunes arrivent à faire 2000 choses en même temps, sur de multiples plateformes et médias sans jamais avoir la nausée.. mais pour une simple et bonne raison, les informations en général ne sont plus aucunement compliqué à saisir alors ils peuvent consommer en masse. Ce n'est pas pour rien que cette mode gagne du terrain, les industries l'ont bien comprit, il est bien plus rentable de vendre des milliers de copie d'une film sans aucune saveur, d'en faire des portages sur DVD et Bluray, plutôt que de tenter de sensibiliser les gens à la composition pictural, au sens profond d'une image pour ne vendre qu'une peinture par ci par là, ou faire de rare projection de qualité sur les quelques films légendaire qui demande plusieurs années pour être assimilé et comprit.
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