Décembre 1999. Île de porquerolles.
1. EXT. MER. CREPUSCULE.
La tempête fait rage.
Le ciel est bas, les nuages chargés en électricité.
La foudre et la grêle s’abattent sur l’océan. La mer est blanche d’écume.
2. EXT. PORT. CREPUSCULE.
Les bateaux amarrés au large sont secoués dans tous les sens.
Le quai est désert.
De grosses lames se brisent sur le point d’appontage.
3. EXT. VILLAGE. RUES. CREPUSCULE.
Les rues sont désertes.
Le vent siffle à travers les fils électrique.
Des tuiles sont arrachés de toits des maisons et se brisent au sol.
Un gros bâtiment surplombe la place publique. Une enseigne lumineuse couvre une partie de sa façade, elle indique "La maison des Marins" en grosses lettres. Et " Bar-Restaurant. Ouvert 7 jours sur 7 " en petites lettres.
4. EXT. MAISON DES MARINS. CREPUSCULE.
Deux hommes discutent sous la véranda.
VICTOR, 75 ans, est tout rabougri, il a les jambes arquées, il tient une canne en main. Il porte un épais manteau bleu foncé et un gros bonnet de laine noir avec un pompon. Il est grincheux et radoteurs, il parle avec un fort accent méditerranéen.
Et PAUL, 70 ans, est plus grand et plus gros. Il porte une veste de marinier jaune cirée, un jeans et une casquette bleue, il a un léger accent.
Paul tient un petit trident en main.
Victor craque une allumette et allume une cigarette.
VICTOR
C’est y pour qui c'te trident ?
PAUL
C’est pour l’Charlie.
VICTOR
Pfff ! J’me d’mande bien ce qu’il va en faire. Y n’a jamais rien su pêcher l'Charlie.
Victor tire sur sa cigarette et recrache la fumée au loin.
Paul tient le manche à la verticale.
PAUL
Y veut p’t’être s'en servir pour embrocher l'Antoinette.
Victor éclate de rire, il est prit d’une violente quinte de toux.
Paul le tapote dans le dos.
PAUL (SUITE)
Holà mon gars ! Tu ferais mieux d’arrêter de fumer.
VICTOR
(Irrité)
Hein ? Quoi ? C'est toi qui as failli m'étouffer avec tes conneries.
Paul marmonne.
VICTOR (SUITE)
J’ai la gorge toute sèche maintenant. C’est malin !
Victor observe son ami du coin de l’œil.
VICTOR (SUITE)
Paye-moi un coup pour te faire pardonner.
Paul explose.
PAUL
Et puis quoi encore espèce de vieux radoteur ! C’est à ton tour de m’payer un verre. Tu ne m’auras pas…pas cette fois.
Le vent s’engouffre sous la véranda, Paul frissonne.
PAUL (SUITE)
On s’l’est gèle ici. Qu’est ce qu’on attend pour entrer ?
VICTOR
Tu n’vois pas que je fume ? Mais tu peux y aller si tu veux.
PAUL
C’est ça ! Tu serais capable de faire demi tour juste pour ne pas me payer un coup. Je t’ai à l’œil mon bonhomme.
Paul lui tourne le dos et regarde par la fenêtre.
5. EXT. /INT. MAISON DES MARINS. CREPUSCULE.
Il y a une vingtaine de clients attablés et une dizaine accoudée au comptoir, tous discutent, boivent ou mangent.
Victor écrase sa cigarette par terre, il pousse la porte du bar-restaurant et entre dans le bâtiment.
6. INT. /EXT. MAISON DES MARINS. CREPUSCULE.
Victor se met à la fenêtre et fait signe à son ami de venir.
7. EXT. /INT. MAISON DES MARINS. CREPUSCULE.
Paul explose.
PAUL
Bougre d’idiot !
Victor se dandine et se moque.
8. INT. /EXT. MAISON DES MARINS. CREPUSCULE.
VICTOR
Alors ? C’est y pour aujourd’hui ou pour demain ?
Paul le menace de son poing.
Victor s’amuse de la situation.
9. EXT. /INT. MAISON DES MARINS. CREPUSCULE.
PAUL
Attend un peu mon gars, tu vas voir ce que tu vas voir !
Paul entre précipitamment dans le bâtiment.
10. INT. MAISON DES MARINS. CREPUSCULE.
Paul fulmine.
Victor fait profil bas.
VICTOR
Ok ! Je vois que tu le prends mal. Je ferais mieux de nous trouver une place…
PAUL
(amère)
Ça vaut mieux.
Paul se dirige vers le comptoir.
PAUL (SUITE)
Je te rejoints dans deux minutes, faut que je donne ce machin à Charlie.
VICTOR
N’oublie pas la commande… pour moi ce s'ra une chope, et pas trop d'mousse. Ok ?
PAUL
Ok ! Pas trop de mousse….
Paul se dirige vers le comptoir,
11. INT. MAISON DES MARINS. BAR. CREPUSCULE.
Paul lève les yeux au ciel et se frappe la tête.
PAUL (SUITE)
Quel idiot je fais ! Il m’a encore eu.
Paul salue les clients au comptoir d'un grand geste.
TOM, un marin ivre d’une trentaine d’années, se retourne vers Paul et lui tape dans le dos.
Il est gros, barbu, il porte un jeans et un gros pull à col roulé ligné bleu et blanc. Il est bègue.
Tom vacille sur son tabouret.
TOM
Voilà…mon…vi…vi…vieil…ami…po…po…po… Paul.
Tom se tourne vers, le patron de la maison des marins.
TOM (SUITE)
Ch…ch…Chaaarlie ?
CHARLIE, la cinquantaine, a le crâne rasé, il est grand, musclé, il a des tatouages sur les avants bras, un anneau à une oreille. Il porte une tenue militaire kaki. Il a la voix grave.
En pleine discussion avec des clients, Charlie ne l’entend pas.
Tom fait un geste brusque et renverse son verre de bière.
Charlie se précipite pour essuyer.
CHARLIE
Je crois que tu as eu ta dose pour aujourd'hui. Tu ferais mieux de dégager d’ici…et vite.
TOM
Ssssert un v…verre…à mon …ami…po…po…
CHARLIE
(sec)
Tu dégages j’ai dit ! Je ne te sers plus rien…c’est comprit ?
Tom perd l’équilibre, il tombe de son tabouret et atterri dans les bras de Paul.
PAUL
Holà mon gars ! On n'a pas le pied marin ce soir ?
Charlie appel son barman.
CHARLIE
DIMITRI ?
Dimitri, 29 ans, est maigre, ses joues sont creusées. Ses longs cheveux blonds sont mal soignés. Il porte une tenue militaire identique à celle de charlie.
Dimitri est attablé avec des clients.
DIMITRI
(Sèchement)
Quoi ? Tu vois bien que je discute.
Charlie montre Tom d’un geste du menton.
CHARLIE
Fout moi ça dehors.
DIMITRI
Déconne pas ! Tu vois bien que c’est la tempête dehors. Je ne peux tout de même pas le jeter à la rue.
CHARLIE
Fais en ce que tu veux, je ne veux plus l'entendre. Qu'il cuve sa cuite en silence.
Dimitri attrape Tom par le paletot et le dépose sur une banquette dans un coin de la salle.
CHARLIE (SUITE)
(à Dimitri)
Tu me remplaces, faut que je cause affaire. Et arrête de râler, si t’es pas content, t’as qu’à prendre la porte, des barmans c’est pas ça qui manque.
Charlie fait signe à Paul de le suive dans la cuisine.
12. INT. MAISON DES PECHEURS. CUISINE. NUIT.
Paul donne le trident à Charlie.
PAUL
C’est de la bonne qualité, tu peux me croire.
Charlie l’examine, le soupèse, il lance un regard approbateur.
CHARLIE
Oui, je vois. Combien est-ce que je te dois ?
PAUL
Une semaine de restaurant gratuit pour la Marie et moi, et on est quitte.
Charlie tend une main, paume vers le haut.
CHARLIE
Top là mon gars !
Paul tape dans la main de charlie.
PAUL
Au faite ! Qu'est-ce que tu comptes en faire ? La saison de la pêche est terminée à s’t’heure.
CHARLIE
Pas celle des oursins. Je connais un endroit à la pointe de l’île, tout près du phare…
Charlie regarde Paul de travers.
CHARLIE (SUITE)
Tu gardes ça pour toi hein dit ? J’aime autant que ça ne se sache pas.
PAUL
Tu peux compter sur moi. Je ne pèterai pas un mot.
Il fait le signe de croix sur son cœur.
PAUL (SUITE)
Parole de marin !
Paul sort de la cuisine.
Charlie range son trident dans une armoire.
13. INT. MAISON DES MARINS. BAR. NUIT.
PAUL
Dimitri ? Tu nous apportes deux pressions à table, et pas trop de mousse. Ok ?
DIMITRI
Ça marche ! Et deux chopes pression, et deux…
Paul rejoint Victor, deux hommes lui tiennent compagnie.
Le premier, ALBERT, 47 ans, un gros roux barbu, est assit coté fenêtre. Il fait une partie de solitaire avec de vieilles cartes.
En face de lui, ANTOINE, 45ans, un maigrelet blond imberbe taille un morceau de bois avec un couteau à cran d'arrêt.
PAUL
Qu'est c'que vous faites là bandes de bons à rien ? Vous avez laissé vot' mère toute seule ? Savez bien qu'elle n'aime pas ça, elle à la frousse depuis que…enfin, savez quoi !
ALBERT
Et toi le père ? Pourquoi t’es pas resté près de la mère ?
ANTOINE
Wouais ! C’est toi qui devrais être près de la mère non ?
ALBERT
Qu’est ce que tu fiches ici ? Encore avec tes combines le vieux…
PAUL
Ça ne vous regarde pas bande de bons à rien !
ANTOINE
Un jour il va t’arriver malheur le père !
Dimitri apporte les deux bières.
Il se penche sur Paul.
DIMITRI
(À voix basse)
Dis-moi Paul, mon vieil ami. Je sais que Charlie t’a commandé ce trident pour aller à la pêche aux oursins. Est-ce qu’il t’a indiqué l’endroit où il les trouve ?
Paul plisse des yeux et sert les lèvres.
DIMITRI (SUITE)
Quoi ? Il t'a demandé de ne rien dire. C'est ça hein ? Tu peux le dire à moi, je suis ton pote, non ?
Paul secoue vigoureusement la tête.
DIMITRI (SUITE)
Même pas pour une chope ?
Paul regarde droit devant lui.
DIMITRI (SUITE)
Deux alors ?
PAUL
Même pas un pet !
Dimitri se redresse.
DIMITRI
Je vois ! Dans ce cas, ça fera sept euros.
Dimitri encaisse et regagne le comptoir ou l'attend charlie.
CHARLIE
Qu'est ce que t'a dit le vieux ?
DIMITRI
Rien ! C'est un vieil entêté, il n'a rien voulu me dire. Il est aussi entêté que mon vieux.
Dimitri regarde en direction de la fenêtre.
DIMITRI (SUITE)
J’me demande bien ce qu’il fait là haut ? Je suis sûre qu’il est en train de m’attendre devant la cheminée…
CHARLIE
Tu ferais peut-être mieux de l’appeler…
14. INT. PHARE. PIECE PRINCIPALE. NUIT.
EDGAR, la soixantaine se tient debout devant la cheminée.
Il est barbu, sa chevelure est grise et rare, il porte un gros pull bleu, un jeans foncé, il est chaussé de charentaises.
Les flammes du feu qui crépite, projettent son ombre sur le mur défraîchit.
Edgar joue avec sa pipe, hésite à l'allumer.
Son regard va de la porte d'entrée vers l’horloge, il est dix heures.
Son chat NOIREAU s’installe sur un fauteuil, il ronronne.
EDGAR
Mais qu'est ce qu'il fout bon sang ?
Le téléphone sonne. Le vieil homme tressaute. Il se dirige vers le téléphone qu'il décroche vivement.
EDGAR (SUITE)
(au téléphone)
Quoi ?
15. INT. BAR. MAISON DES MARINS. NUIT.
DIMITRI
(au téléphone)
C'est moi…Dimitri…
16. INT. PHARE. PIECE PRINCIPALE. NUIT.
EDGAR
(au téléphone)
Qu'est ce que tu fous bordel ? T’as vu l’temps ?
Edgar craque une allumette et allume sa pipe.
17. INT. BAR. MAISON DES MARINS. NUIT.
DIMITRI
(au téléphone).
Rien à foutre du temps ! Charlie a encore besoin de moi ici.
Charlie sert un client, il suit la conversation d’une oreille.
18. INT. PHARE. PIECE PRINCIPALE. NUIT.
Edgar rage, il parle fort.
EDGAR
(au téléphone)
Je m'en fous de Charlie. Arrive ici, et en vitesse.
19. INT. BAR. MAISON DES MARINS. NUIT.
DIMITRI
(au téléphone)
Holà ! Doucement le vieux ! Pour qui tu te prends ? Vas te coucher, ne m'attends pas. Ok ?
20. INT. PHARE. PIECE PRINCIPALE. NUIT.
EDGAR
(au téléphone)
Je t'attendrais si j'en ai envie, tu n'as pas d'ordre à me donner.
21. INT. BAR. MAISON DES MARINS. NUIT.
DIMITRI
(Au téléphone).
Toi non plus. Couches toi espèce de vieux sénile !
Dimitri raccroche le téléphone.
DIMITRI (SUITE)
Merde !
22. INT. PHARE. PIECE PRINCIPALE. NUIT.
Edgar entend un grand "clic" au bout du fil.
EDGAR
C’est qu’il m’a raccroché au nez ce p'tit con ! Il se prend pour qui ? Merde !
Edgar raccroche vivement le téléphone.
Il marmonne dans sa barbe.
EDGAR (SUITE)
J'lui en donnerais moi des vieux sénile ! Et merde !
Edgar ouvre la porte d’un buffet, sort une bouteille de whisky et se sert un verre qu'il avale cul sec, il s'essuie la bouche du revers de la main.
Il remet une bûche dans la cheminée, attise les flammes, le feu crépite.
Il se dirige vers la porte d'entrée qu'il ouvre vivement.
23. INT. /EXT. PHARE. PIECE PRINCIPALE. NUIT.
Edgar jette un coup d'œil dehors.
Le vent fort lui pique le visage et le fait plisser les yeux.
EDGAR (SUITE)
Il mériterait que je mette le verrou pour la nuit.
Il referme la porte.
24. INT. PHARE PIECE PRINCIPALE. NUIT.
EDGAR (SUITE)
Y a plus qu'à aller se coucher. Tu viens noiraud ?
Le chat précède Edgar dans l'escalier qui les conduit à l'étage.
25. INT. CHAMBRE EDGAR. NUIT.
Noiraud entre le premier dans la chambre, il bondit sur le lit.
La pièce est petite et sobre, les murs sont en boiserie, il y a une collection de pipes posées sur une étagère en pin, un cadre avec différents nœuds marins.
La lumière du phare pénètre dans la chambre par la lucarne.
Il y a un portrait d’une femme d’une quarantaine d’années, MIRANDA, posé sur la table de nuit. Elle a les cheveux blonds tressés, les traits de son visage sont fins, ses yeux bleus vifs.
26. INT. CHAMBRE EDGAR. NUIT.
Edgar entre dans la chambre.
Il enfile son pyjama et s'assoit sur son lit.
Il remonte son réveil, éteint la lumière, se couche et s'endort rapidement.
Noiraud sort de la chambre.
27. INT. PHARE PIECE PRINCIPALE. NUIT.
Noiraud s'installe dans un fauteuil, il commence sa toilette.
La porte d'entrée s'ouvre brusquement. Une CREATURE s'avance dans la pièce.
Mi homme, mi bête, elle se meut sur ses pattes arrières, ses ongles sont acérés, ses oreilles pointues, sont corps est entièrement recouvert de poiles, ses yeux illuminent dans l'obscurité comme ceux des loups.
La créature monte quelques marches de l'escalier qui mène à l'étage. Elle tend l'oreille, hume l'air, ouvre grand la gueule, ses dents sont acérées, elle rugie doucement.
Noiraud l’observe.
La créature sort précipitamment du phare en laissant la porte grande ouverte.
28. INT. PHARE CHAMBRE EDGAR. NUIT.
Noiraud entre dans la chambre et saute sur le lit.
Edgar se réveille en sursaut.
_________________
copieur, s'abstenir
